Arbitrage d’investissement : la Cour de cassation confirme définitivement deux sentences contre l’Etat Libyen

Par deux arrêts rendus le 12 février 2025, la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés par l’État libyen contre les sentences arbitrales rendues en faveur des sociétés turques Nurol et Cengiz, cette dernière ayant été représentée par Teynier Pic à la fois dans l’arbitrage et le recours en annulation. Ces sociétés ont initié ces arbitrages après l’interruption de leurs projets d’investissement en Libye, à la suite des évènements de 2011, sur le fondement du traité bilatéral d’investissement (TBI) signé entre la Turquie et la Libye en 2009.

Devant les juridictions françaises, l’État libyen contestait notamment la compétence des tribunaux arbitraux. Pour l’Etat, les investissements ne respectaient pas ni législation libyenne ni même certains principes transnationaux touchant à l’ordre public et ne pouvaient donc pas bénéficier de la protection du TBI.

La Cour d’appel de Paris, puis la Cour de cassation ont écarté l’argument : la légalité de l’investissement est une question qui relève du fond du litige (sur lequel les juridictions françaises ne peuvent pas revenir) ; elle n’a pas trait à la compétence juridictionnelle, laquelle s’apprécie selon la commune volonté des parties en dehors de toute loi étatique conforment à la jurisprudence édictée en droit français depuis l’arrêt Dalico de la Cour de cassation de 1993 (qui impliquait déjà une entité publique libyenne). En alignant les deux régimes de compétence arbitrale (en matière commerciale et en matière d’investissement), la jurisprudence française apporte une contribution majeure au débat qui agite actuellement l’ensemble des grandes places mondiales d’arbitrage d’investissement : les arbitres peuvent-ils connaître d’un investissement nul ou argué de nullité ? Le débat rappelle celui qui a conduit aux grands arrêts sur l’indépendance matérielle de la clause compromissoire par rapport au contrat qui la contient (arrêt Gosset) ; sur l’autonomie juridique de la clause d’arbitrage par rapport à ce même contrat (arrêt Hechet) ; et sur l’arbitrabilité des litiges mettant en cause l’ordre public (arrêts Ganz et Labinal). En unifiant le droit de l’arbitrage commercial avec le droit de l’arbitrage d’investissement, la jurisprudence française simplifie également la lecture de ce dernier et contribue à son efficacité. Il faut s’en féliciter.

A noter également une avancée importante de l’arrêt Cengiz : la Cour de cassation confirme que les arbitres d’investissement ont le pouvoir d’ordonner la levée de garanties bancaires à titre de réparation. La mesure est importante en pratique dans les projets de construction ou d’infrastructures dans les pays à risque.

Cass, 1re Civ., 12 février 2025, pourvois n° 22-11.436 et 21-22.978.

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