DISPUTE RESOLUTION BOUTIQUE

La High Court of Justice annule deux sentences arbitrales condamnant le Nigéria à payer un montant total cumulé de 11 milliards de dollars US pour cause de fraude et de contrariété à l’ordre public 

La High Court of Justice d’Angleterre et du Pays de Galles (la « High Court ») a accueilli un recours intenté par le Nigéria contre deux sentences arbitrales, au motif qu’elles ont été obtenues par la fraude et en violation de l’ordre public au sens de l’article 68 (2) (g) de l’Arbitration Act 1996.[1]

Ces sentences ont été prononcées au terme d’un litige relatif à un accord d’approvisionnement et d’achat de gaz (« GSPA ») conclu entre le Nigéria et une société offshore immatriculés aux Iles Vierges britanniques, Process & Industrial Developments Limited (« P&ID »).  En vertu du GSPA, le Nigéria devait fournir à P&ID du gaz que cette dernière s’était engagée à traiter dans des installations qu’elle n’a finalement jamais construites. In fine, aucune des deux parties n’a tenu ses engagements contractuels. En conséquence, P&ID a engagé une procédure d’arbitrage ad hoc, avec siège à Londres, demandant la résiliation du GSPA en raison du non-respect par le Nigéria de son obligation de fournir du gaz et des dommages qui en auraient prétendument résulté.

Le tribunal arbitral a rendu une première sentence en 2015, concluant à la violation par le Nigéria de ses obligations en vertu du GSPA et à sa responsabilité pour le préjudice subi par P&ID. Dans une deuxième sentence de 2017 sur la quantification du préjudice, le tribunal arbitral a ordonné au Nigéria de verser à P&ID l’équivalent de 6,6 milliards de dollars américains en dommages, en sus d’intérêts au taux de 7%.

En 2018, une série d’enquêtes diligentées par le Nigéria a révélé que P&ID avait conclu le GSPA moyennant des pots-de-vin visant des hauts responsables nigériens.  A la lumière de ces conclusions, le Nigéria a contesté les sentences devant la High Court.  La preuve soumise devant celle-ci a démontré que P&ID avait également eu recours à la fraude durant l’arbitrage pour présenter de faux témoignages et garantir le silence d’un des principaux témoins. En outre, tout au long de l’arbitrage, P&ID et ses avocats avaient réussi à mettre la main sur des documents juridiques internes au Nigéria et protégés par le secret professionnel pour s’informer de sa défense.

Sans se prononcer sur la corruption affectant le GSPA, la High Court a néanmoins conclu que les sentences contestées par le Nigéria ont été obtenues au moyen « d’abus des plus graves de la procédure arbitrale » de la part de P&ID et de ses conseils, directement mis en cause. Au passage, la High Court a aussi reproché au tribunal arbitral, sans pour autant douter de sa probité, de ne pas « avoir fait tout en son pouvoir » pour déceler la supercherie. La High Court en a également profité pour adresser une sévère mise en garde aux praticiens de l’arbitrage, arbitres et conseils, sur les vulnérabilités de la procédure arbitrale et le risque qu’elle soit détournée pour mener de telles fraudes.

[1] The Federal Republic of Nigeria vs. Process & Industrial Developments Limited [2023] EWHC 2638 (Comm), disponible sur : https://files.lbr.cloud/public/2023-10/Nigeria%20v%20P&ID%20judgment.pdf?VersionId=qHtOEFBbmlb.hcN8XKzb6T5FyJ6iF8Vg

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